Par Mohamed Ould Khattatt (mmkhattatt@hotmail.com)
Quand le politique cache le littéraire
La rubrique des «Potins politiques» s’arrête aujourd’hui sur un homme politique haut de gamme, connu de tous pour avoir accompagné bien des décennies déjà la scène politique nationale.
Mais pour une fois, ce ne sera pas de son combat politique qu’il sera question ici. Mais plutôt d’une autre face cachée de l’homme, brillant universitaire à l’époque, que nous avons découvert à travers une lettre qui n’a rien à envier à celles des célèbres grands littéraires français. Lettre écrite en 1972 alors qu’il était encore étudiant en France, à M. PINDER qui dirigeait le célèbre «Cours Michelet», un lycée privé, à Nice, où Mokhtar Ould Daddah et Hamdi Ould Mouknass, entre autres, avaient passé leur Bac.
En effet, le docteur Mohamed Mahmoud Ould Mah, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était venu à Orly accueillir son ami et compatriote H.E, étudiant à Nice (qui deviendra plus tard plusieurs fois ministre, ambassadeur …).
H.E était accompagné de M. PINDER, consul honoraire de Mauritanie à Nice lequel remontait à Paris pour récupérer une voiture CC (corps consulaire).
Véhiculé, Mohamed Mahmoud Ould Mah a du convoyer aux douanes françaises et au Ministère français des affaires étrangères, M. Pinder qu’il rencontrait pour la première fois.
En vérité, il était convenu, entre H.E et Mohamed Mahmoud Ould Mah que le premier cède au second et à sa petite famille sa chambre à la citée universitaire, sachant que la famille étudiante de Mohamed Mahmoud Ould Mah, bénéficiait de cartes d’étudiants et partant pouvaient être hébergée et restaurée au campus universitaire.
M. Pinder, lui-même résident à Ramatuelle, s’est interposé et a tenu à ce que Mohamed Mahmoud et sa famille séjournent plutôt dans son propre appartement au-dessus de son lycée privé, «le Cours Michelet». Un appartement à quelques centaines de mètres de la célèbre esplanade de Nice que M. Pinder, ancien officier de la marine, a conçu comme la cabine d’un yacht. Rentré à paris, en septembre, Mohamed Mahmoud Ould Mah a du attendre la rentrée scolaire à Nice pour envoyer une lettre de remerciement à M. Pinder que voici :
Paris septembre 1972
Attendant la rentrée scolaire pour nous assurer de votre venue définitive à Nice, nous donnons de nos nouvelles. Certes de façon tardive, mais croyez-moi, cela n’enlève rien à leur sincérité et ne présage non plus en rien que nous n’avons pas passé d’agréables vacances ni gardé le meilleur des souvenirs.
Mais je suis confronté à un problème devant lequel j’avoue mon impuissance et reconnais mon échec : où trouver les mots qu’il faut pour vous témoigner à la fois notre reconnaissance et notre gratitude.
En effet, de nos jours, les mots prennent des sens différents dans la bouche de ceux qui les prononcent et leurs avatars n’ont jamais été aussi souvent à l’honneur: l’insolence, l’injustice, le mensonge trouvent, sans détour, une infinité de mots pour exprimer un déluge de nuances.
Pour ma part, j’irai très haut dans la panoplie des valeurs, même si du côté qui m’intéresse, elle est malheureusement de plus en plus dégarnie pour trouver les mots qu’il faut. Mais j’ai peur que dans mon ascension à la recherche des mots, je ne rapporte rien de nouveau. Je me console néanmoins, à l’idée que vous êtes de ceux qui font la part des choses, ceux qui distinguent ce qui n’est que pure forme de ce qui vient du cœur quand bien même les mots pour les exprimer sont les mêmes. Donner sa maison. Et quelle maison! En un mot, son propre lit, ses propres assiettes à des personnes qu’on ne connaît presque pas, ou plutôt qu’on connaît à peine, ce sont là des gestes si rares que l’œil s’éblouit à les voir dans un pays que l’ère industrielle a rendu farouchement individualiste et où, chacun couve son bien personnel d’un sentiment quasiment sacré. Il faut descendre loin ; bien loin ; jusqu’à chez nous, comme vous aimez souvent le dire, pour rencontrer cette générosité que d’aucuns fustigent cependant comme étant un symptôme du sous-développement. Nous sommes tous des sous-développés, et vous, le premier.
En espérant que la vie se chargera de nous donner l’occasion future de vous témoigner, encore une fois, notre reconnaissance et notre gratitude, je vous…
Mais au-delà de cette lettre, si bien écrite, Nouakchott Info découvrira que Dr. Mohamed Mahmoud Ould Mah écrit un livre avancé sur la politique, l’économie, la démocratie et une autobiographie que nous avons eu le rare privilège d’en être informés et d’en extraire les passages suivants:
De la transhumance:
«…le charme des longues transhumances, les difficultés à gérer les bivouacs quand on entend tonner de lointains orages et les cris des fauves rompre, de temps en temps, le silence du désert…»
De la beauté des oasis de l’Adrar
«…de profonds cagnons que les érosions, avec les siècles, ont taillé dans la roche violette et transformé en oueds, longs serpents de sable rose, bordés de palmiers dattiers au pied des falaises et que surplombent des habitations faites ‘’d’herbe à chameaux’’, de branches et de troncs de palmiers, la seule architecture qui découle de la nature du climat…»
De la jeunesse des années quarante et du début des années cinquante: elle
«… jouait plus qu’elle n’existait. Nos jeux étaient saisonniers, nombreux et variés. Certains se jouent le jour, parfois même jusqu’à midi voire même au-delà, ce qui n’est plus possible aujourd’hui, preuve du réchauffement de la planète, d’autres la nuit, au clair de lune. C’est nous-mêmes qui concevons et construisons nos propres jouets…… Notre vie était rythmée en quatre temps : la cueillette des dattes; la vie aux champs, à Yaghref, l’un des plus grands greniers de l’Adrar, où tous les oueds coulent, du Nord au Sud, pour en arroser les plaines fertiles; la vie en brousse avec les animaux et enfin le retour en ville. La scolarisation forcée est venue rompre ce cycle parfaitement rôdé……».
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