Par Mohamed Ould Khattatt (mmkhattatt@hotmail.com)
14ème partie
A la résidence Egide du boulevard Montparnasse, c’est pratiquement le départ des groupes de stagiaires du CFPJ qui est dans tous les esprits. Même l’ascenseur en a pris un coup avec des affiches qui somment les résidents de tout laisser bien propre dans leur studio avant leur départ.
Benoit, notre sympathique premier accueillant se préparait lui aussi à partir en vacances, deux à trois jours avant nous. Il aura la gentillesse de monter dans mon studio m’en prévenir. Et comme je ne pus m’empêcher de descendre avec lui à la réception tout en le remerciant pour tout ce qu’il avait fait pour nous, je tomberai comme par hasard, sur une femme élancée et bien servie dans ses formes par la nature.
Elle riait à gorge déployée de mon compatriote Dou sans doute parce qu’il assurait l’intérim de Benoit pendant qu’il était chez moi. En vérité Dou avait pris l’habitude de venir «facebooker» (il faut créer ce verbe, ne serait-ce que pour Dou, tellement il y est accolé) sur l’ordi de Benoit, le sien étant tombé en panne depuis notre première semaine à Paris.
Benoit nous la présente: elle se prénomme Laurence et c’est elle qui le remplacera dès samedi prochain. Une femme qui déborde de vie comme je les aime et que je découvre sur le tard. Pas question de laisser passer l’occasion de la charmer. J’arme et tire: «Bien venue chez les «Ch’tis» ! De toutes les façons, une «Ch’ti» de plus qui s’amène alors qu’on met dehors samedi, manquait plus que cela !». Elle éclate de rire et frappe des deux mains en se recroquevillant sur elle-même. Alors j’en rajoute: «La Résidence nous réserve le meilleur pour après notre départ, qu’est-ce qu’on est bienveillant ici. Benoit, c’est décidé, moi, je reste, comme à Question pour un champion !»
Nous passerons un agréable moment à nous marrer, la belle Laurence se laissant aller à un fou-rire tel que je dus abandonner la partie pour que Benoit puisse s’entretenir avec elle avant son départ. Nous échangeons les coordonnées et elle promet de rester sur mon blog pour savoir ce que j’écrirai sur elle.
Kissima auquel je ferai un compte rendu fidèle de ma découverte s’en mordra le doigt d’avoir manqué au spectacle.
Je descends sur le boulevard Montparnasse pour acheter une carte de recharge SRF chez un tabac. Je tombe sur une caissière quinquagénaire qui veut coûte que coûte garder un brin d’une jeunesse qui reviendra plus. Elle semble avoir été belle fille en son temps et comme mes cheveux poivre et sel affichent une plus nette blancheur côté tempes, la mamie me lance joviale lorsque nos regards se croisent: «par ici monsieur, à votre service monsieur». Je tends un billet de 10 euros et je dis:
- «SFR».
- «10 euros ?» m’interroge-t-elle.
- «Je peux avoir moins ?», ajoutai-je
- «c’est comme voulez-vous, monsieur»
- «5 euros, alors», affirmai-je en souriant de toutes mes dents.
- «Ce sera fait, monsieur, c’est vous qui décidez. Je suis là pour vous servir», poursuit-elle, comme si la discussion ne devait pas s’arrêter.
- «Voilà, monsieur, bonne journée … à bientôt», se résigna-t-elle à conclure.
Je sortis de la boutique en glissant ma monnaie et la facture contenant le code secret du crédit à recharger dans ma poche pour en sortir un paquet de cigarette. Dans ma tête je songeais à faire un peu de linge une fois de retour en me demandant où peut bien être le fer à repasser. Car à la résidence, certaines de nos collègues négligent de le remettre à la réception et vont en ville. J’arrive enfin à me convaincre qu’avec ou sans le fer à repasser, je dois laver mes habits et je m’empresse de le faire.
Une fois la machine à laver déclenchée, je me donne le temps de recharger mon téléphone mobile pour appeler ma famille. Dès que je déroule la facture pour composer le code secret, je tombe des nus : la vieillotte m’a vendu du crédit «Orange» au lieu de «SFR» !
Fou de rage, j’avale le boulevard du Montparnasse et entre dans le tabac. Elle n’est plus et c’est une asiatique aux yeux à peine ouverts qui me demande ce que je veux.
- «Où la caissière âgée qui était là», demandai-je
- «Elle est partie, caisse fermée», m’assure-t-elle
- «Elle m’a vendu Orange au lieu de SFR», dis-je
- «Elle revient demain mais on ne rembourse pas. Vous pouvez laisser si quelqu’un vient acheter, nous vendons pour vous. Demain soir 17h vous repasser voir si c’est OK ?»
Je bats les pattes. Un dialogue de sourd que je ne pouvais supporter, la machine à laver me revenant à l’esprit. Il est des jours où tout vous sourit et des jours où c’est vraiment gris. Je venais d’en vivre deux en un avec Laurence et la vieillotte.
(A suivre …)
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