Par Mohamed Ould Khattatt (mmkhattatt@hotmail.com
A l’occasion du deuxième anniversaire de son investiture à la tête du pays, le Président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, a préféré se la jouer à la Chavez en allant rencontrer par vidéoconférence, au téléphone et de visu pour les citoyens à Nouakchott, vendredi soir au Palais des congrès, le petit peuple. Une rencontre en directe qui a duré quatre heures de temps (de 23H30 à 03H30 du matin) et que la télévision et la radio nationales ont diffusé en associant par l’image, les populations d’Atar et de Néma.
Chaque litre de gasoil consommé dans notre pays coûte à l'Etat 56 ouguiya
Certes, le président Aziz n’avait pas à faire son bilan n’étant pas en campagne, mais c’est comme si, le premier citoyen du pays faisant à son peuple ses mamours jusqu’à la levée du jour, dans un jeu de questions-réponses qui en dit long sur la volonté de l’homme de se poser comme étant un président proche de ses concitoyens et, hier comme aujourd’hui, comme étant «le président des pauvres», même si la semaine dernière, la 13ème hausse des prix des hydrocarbures était entrée en vigueur en même temps que le Ramadan.
Bien évidemment, il s’en justifia autant que faire se peut, en affirmant que la tendance des prix sur le plan mondial est toujours à la hausse et que le Gouvernement mauritanien ne peut pas les contrôler. Que les prix des hydrocarbures en Mauritanie sont inférieurs à ce qu'ils sont dans les pays voisins et que chaque litre de gasoil consommé dans notre pays coûte à l'Etat 56 ouguiya. Que le pays importe la plupart de ses besoins de l'étranger mais qu’il a déployé des efforts louables pour subventionner les prix à travers le programme solidarité 2011 qui a largement bénéficié aux populations, surtout les plus vulnérables, etc.
A propos de l’opposition, du dialogue, de la sécurité
Se déclarant ouvert à toutes les questions, le Président Aziz dira au sujet de l'opposition que celle-ci est nécessaire dans le pays puisqu'elle a un rôle important à jouer. Quant au dialogue entre la majorité et l'opposition, il a souligné : «Nous sommes tous d’accord qu’il y a une nécessité impérieuse de dialoguer. Les conditions avancées par l’opposition ne sont pas plausibles, voire sont impertinentes, car il ne doit pas y avoir de préalables au dialogue qui doit toucher tous les domaines, sans restriction aucune. Il faut d’abord aller au dialogue et demander ensuite certaines choses ou bien tout ce que l’on veut. Au sujet du calendrier électoral, il notera que celui-ci est défini par la Constitution, avant d’indiquer : «Néanmoins, si un dialogue sérieux a lieu et que les différentes parties conviennent de reporter les élections, je n'aurai pas d'objection».
A la question de l’AFP sur l’ampleur de l’attaque de Bassiknou (une vingtaine de voitures et une centaine d’hommes), le président Ould Abdel Aziz dira que la sécurité est primordiale et qu’il est «très conscient» de la situation sécuritaire dans le pays laquelle a beaucoup changé dans le sens positif. Il précisera qu’en moins de 5 ou 6 ans, «nos capacités ont été multipliées par cent. Sur le plan de la mobilité et de la logistique, nos moyens ont été multipliés par 300 et nos capacités aériennes qui n’existaient pas, nous permettent aujourd’hui d’intervenir hors de notre territoire. Lors de l’attaque de Lemgheity, il a fallu trois jours pour que l’on soit informé de ce qui s’est passé et emprunter la logistique avec des hommes d’affaires dont certains sont ici présents. A El Ghallaouiya et Aleg, c’était la même chose. Actuellement, nous maîtrisons la situation et nous avons amené la terreur en dehors de notre territoire pour sécuriser nos citoyens». Dans le cadre de la contribution des citoyens pour la préservation de la sécurité nationale, il rappellera le «rôle important» que le citoyen doit jouer et donnera en exemple celui de l’opération de Néma où une famille avait informé au préalable les autorités du passage des terroristes chez elle, ce qui avait permis de limiter les dégâts.
Parlant des prisonniers salafistes récemment transférés de la prison civile de Nouakchott vers une destination inconnue, le président Aziz dira qu’il s’agit de criminels, s’interrogeant pourquoi leurs familles, si elles ont un grain d’humanité, ne s’apitoient-elles pas plutôt sur le sort de ceux qu’ils ont tué. Et de se demander où sont leurs victimes ? Selon lui, ces terroristes ont été sortis de Nouakchott car ils étaient en contact avec AQMI pour préparer d’autres actions criminelles. Ils allaient continuer à tuer et la preuve, l’attentat qu’ils voulaient perpétrer à Nouakchott avec deux véhicules bourrés de trois tonnes d’explosifs, sans compter l’attentat de Néma avec 1T5.
Revenant sur la sécurité, il a assuré qu'elle est garantie dans le nord du pays, avec notamment une base militaire et des unités militaires à Lemreya qui empêchent toute éventuelle incursion de terroristes ou de trafiquants.
Sur la gabegie …
Parlant de la gabegie, le président Abdel Aziz indiquera qu’il s’agit d’un objectif et non d’un simple slogan comme le pensent certains. Pendant la campagne présidentielle, certains hommes d’affaires m’ont demandé de retirer la lutte contre la gabegie de mon programme, mais j’ai refusé car c’était une orientation. Pour lever tout soupçon le concernant, le président Aziz a dit que pendant ses 31 ans passés dans l’armée, il n’a jamais occupé un poste de gestion.
La gabegie, insistera-t-il, «est un objectif et une fin que nous sommes déterminés à poursuivre», avant d’affirmer qu’il ne disposer guère de biens illégalement acquis, qu'il n'existe pas de sociétés en son nom ou au nom de proches à lui et rappelant avoir déjà déclaré ses biens.
«Les hommes d'affaires qui me soutiennent peuvent certifier que je ne suis jamais intervenu pour leur faire accorder des avantages en termes de marchés publics. En revanche, je suis intervenu une fois en faveur de la société nationale ATTM pour empêcher qu'elle soit lésée par une entreprise étrangère dans le cadre d'une concurrence déloyale», a-t-il dit.
Il a signalé qu'il ne saurait être comparé avec les hommes d'affaires: «Moi je suis garant de l'intérêt de l'Etat, eux ils cherchent leurs intérêts personnels», a-t-il indiqué.
Printemps arabe et les jeunes du 25 février
Sur le plan extérieur, le Président Ould Abdel Aziz a réitéré que la situation dans laquelle vit le peuple libyen fait que les choses ne peuvent plus être comme avant dans ce pays. Pour lui, le peuple libyen doit prendre les choses en main «et nous sommes prêts à l'aider, néanmoins, la Mauritanie ne reconnaît pas le Conseil national transitoire en Libye».
Au sujet des revendications des jeunes en Mauritanie, le président Aziz affirmera qu’il adhère totalement à leurs revendications qui sont la liberté, l'éducation, l'emploi, la justice, la lutte contre la gabegie etc. Mais il rappellera que la Mauritanie est différente des autres pays arabes ayant connu récemment des révolutions.
Aussi, le président de la république a-t-il réitéré son encouragement aux jeunes pour participer activement au travail politique afin d'améliorer la pratique démocratique dans le pays et d'impulser son développement dans les différents domaines.
Il a en outre considéré que la présence de manifestants, de façon quotidienne, devant la Présidence de la République prouve la liberté d'expression qui règne désormais dans le pays.
L’état civil, la double nationalité, l’esclavage, le passif humanitaire ...
A propos de l’enrôlement des populations, le président de la République dira: «ce que nous sommes entrain de faire n’est pas un recensement. C’est la mise en place d’un état civil fiable qui va enrôler tous les Mauritaniens tout en évitant les erreurs du passé. Personne ne sera exclu, contrairement aux rumeurs faisant état de l'exclusion de négro-mauritaniens». Et d’ajouter: «au jour d’aujourd’hui, on a recensé plus de Mauritaniens au Gorgol et au Brakna qu’à Atar et Nouadhibou. Ainsi, à Kaédi, il y a environ 4.000 recensés, au Brakna de même alors qu’à Néma, il y a 2.000 recensés et dans d’autres régions, on tourne entre 1.500 et 2.000. Actuellement on compte entre 4 à 5% de la population qui sont déjà enrôlés dans le présent système d'état civil».
Le président de la République a fait état de l'arrestation récente d'individus s'adonnant aux trafics de papiers d'état civil, avec des signatures falsifiées d'autorités administratives, avant de souligner dans ce contexte, que tout citoyen qui acquiert une nationalité étrangère perd automatiquement sa nationalité mauritanienne.
Sur un autre plan, Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz a expliqué que le récent présumé cas d'esclavage relève d'une «affaire de justice, nous n'y intervenons pas. Certains éléments d'une organisation que l'Etat ne reconnaît pas se sont permis de saccager un commissariat de police». La police a fait son travail, a-t-il ajouté, considérant que les présomptions d'esclavage en Mauritanie sont un fonds de commerce pratiqué par certains.
Sur le passif humanitaire, le président Aziz indiquera que celui-ci a été réglé de façon satisfaisante pour les différentes parties, y compris les ayant-droits des victimes.
Sur la société chinoise
S'agissant de la nouvelle société de pêche chinoise, le chef de l'Etat a indiqué que les chinois peuvent attester qu'il n'a aucun rapport avec elle, soulignant que les études ont établi que cette société aura des retombées hautement positives sur les citoyens mauritaniens. «Ceux qui s'opposent à la société en question sont des individus qui profitaient, à titre personnel et égoïste, de licences de pêche obscures accordées, sous leurs noms, à des sociétés étrangères, et qui ont été suspendues», a-t-il précisé.
La santé, l’Enseignement
Evoquant le secteur de la santé, le président Ould Abdel Aziz reconnaitra l'existence d'un déficit aigu en matière de ressources humaines avant d’exprimer sa disposition de doter toutes les infrastructures sanitaires en équipements médicaux qui font défaut.
Il a également estimé que l'enseignement souffre de beaucoup de lacunes et que les journées de réflexion, prévues dans les prochaines semaines, permettront de proposer des solutions qui seront mises en œuvre.
Le Chef de l’Etat ne manquera pas d’expliquer que si les différents services de santé, d'éducation, de formation et d'emploi sont décentralisés et délocalisés en dehors de la capitale, les populations de l'intérieur resteront dans leurs terroirs.
Sur les finances de l’Etat
Dans le domaine économique, le président Aziz a affirmé que la situation s'est beaucoup améliorée, révélant que les réserves en devises de la Banque centrale s'élèvent actuellement à 511 millions de dollars hors pétrole contre 165 millions en 2008 et 400.000 en 2004 et que les dépôts du Trésor dans la BCM atteignent 37 milliards d'ouguiya. «La Mauritanie n'a pas intérêt à réévaluer la monnaie nationale dès lors que la plupart des besoins du pays sont importés de l'extérieur», dira-t-il.
Voilà donc un grand oral passé en nuit blanche de Ramadan pour expliquer aux populations ce qu’elles n’ignoraient pas toutes forcément. Ainsi, le président Aziz a été on ne peut plus précis dans certaines de ses réponses allant jusqu’à indiquer, dans un clin d’œil aux éleveurs, que les indices météorologiques prévoient des pluies abondantes dans les jours à venir. N’est-ce pas ce que l’on appelle «nourrir l’espoir».
MOK
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