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dimanche 19 février 2012

POTINS POLITIQUES

UMA (17 février 1989-17 février 2012): Au-delà des mots, les grands maux
Par Mohamed Ould Khattatt


On l’aura compris, les années passent et repassent sans rien changer ou presque dans la vie de l’UMA. Pourtant, le «Printemps arabe» qui est le fait des peuples et de leur ras-le-bol de certains de leurs dirigeants chassés en plein jour de leur fauteuil présidentiel, ne doit pas manquer de rappeler à ceux qui sont encore là et aux nouveaux venus qu’il faut dorénavant œuvrer pour plus de liberté, de démocratie, de développement. D’où l’impérieuse nécessité de redynamiser cet ensemble maghrébin limitrophe qu’est l’UMA. Un ensemble uni par des liens séculaires faits d’histoire, de géographie, de religion, de langue ...
Certes, les actuels chefs d’Etats de l’UMA, contexte régional et international oblige, le reconnaissent: la redynamisation de l’UMA revêt une dimension stratégique en rapport avec les repositionnements qui s’opèrent dans le monde. Mieux, ils ne cessent de multiplier les signes positifs: l’UMA est un «véritable moteur de l’unité arabe, un partenaire agissant de la coopération euro-méditerranéenne, un facteur de stabilisation et de sécurisation de la zone sahélo-saharienne, et un acteur structurant de l’intégration africaine, dira le roi Mohammed VI.

«La réalisation de l’unité maghrébine à l’ère des ensembles régionaux et internationaux est un impératif vital et pressant en vue de permettre à nos peuples frères de relever les défis, au sein d’un ensemble soudé et uni», renchérira le président algérien Abdel Aziz Bouteflikha.
«Nous estimons que le départ des dictateurs qui sévissaient en Tunisie et en Libye offre désormais au Maghreb Arabe les conditions psychologiques de sa remise en marche», affirmera le président tunisien Moncef Marzouki.
C’est donc stimulés par le vent de changement qui souffle sur la région que les chefs d’Etats de l’UMA semblent plus que jamais déterminés à aller de l’avant. Il faut bien l’espérer, maintenant que leurs chefs de la diplomatie se sont réunis hier samedi à Rabat pour redynamiser l’UMA et préparer un sommet des Chefs d’Etats que la Tunisie souhaite tenir chez elle cette année. Faut-il rappeler que les échanges commerciaux intermaghrébins représentaient en 2010 moins de 2% de l’ensemble de leurs échanges extérieurs, ce qui un des taux régionaux les plus bas du monde.

Si l’UMA m’était contée …
Le 17 février 1989, le traité constitutif de l’UMA est ratifié par les cinq Chefs d’Etat de l’Algérie, de la Libye, du Maroc, de la Mauritanie et de la Tunisie. C’était à l’époque: Chadli Benjedid, Mouammar Kadhafi, Hassan II, Maouwiya Ould Sid’Ahmed Ould Taya et Zein El Abidine Ben Ali.
Ce traité mettait en évidence les liens séculaires qui unissaient les différents peuples de ces pays limitrophes par leur histoire, leur géographie et leur religion, en plus de l’usage d’une même langue maternelle (l’Arabe). Un tas d’ingrédients qui suffisaient à convaincre les dirigeants maghrébins de la nécessité de créer cet ensemble fort d’une population de plus de 80 millions de consommateurs que l’Union européenne d’en face courtise déjà et que le reste du monde prendra, obligatoirement en compte. Mais vingt trois années plus tard, on en est encore à la case départ. Les mécanismes institutionnels de l’Union n’arrivent toujours pas à jouer pleinement leurs rôles, les aspirations des populations tardent à se concrétiser et l’intégration économique avance à peine.

Entre le rêve et la réalité
Autant dire que l’idée, vieille de plus de cinquante quatre années (la première tentative de création de l’UMA date de 1958 à Tanger, avant même l’indépendance de la majorité des pays maghrébins), semblait bien mûrie. La vérité est que l’euphorie et les optimismes affichaient ce 17 février 1989 cachaient mal les craintes que laissait deviner le problème du Sahara Occidental et le bras de fer de leadership algéro-marocain dans la région.
Pourtant, la volonté des cinq Chefs d’Etats était telle qu’ils se résignèrent, un moment, à donner la chance aux intérêts de leurs peuples au lieu de leurs propres calculs politiciens.
Ainsi, le gâteau des instances dirigeantes de l’Union est partagé: le Maroc se saisit du siège du secrétariat général, l’Algérie s’offre le Conseil de la Choura (ou Conseil consultatif), la Tunisie de la Banque centrale de l’UMA, la Libye du volet éducatif avec l’Université académique maghrébine et la Mauritanie de l’instance juridique maghrébine. Sur le papier, tout paraissait presque parfait. On entrevoyait une carte d’identité commune, une compagnie aérienne maghrébine, une route trans-maghrébine, etc.
La présidence de l’Union du Maghreb Arabe était tournante: elle revenait chaque année à l’un des cinq Chefs d’Etats. Seulement, depuis 1995, le rêve s’est assombri: le Maroc décide le gel de ses activités au sein des instances et structures de l’Union suite à un refroidissement de ses relations avec l’Algérie dont le mandat de la présidence expirait cette année pour échoir à la Libye. Mais la Jamahiriya rejette son tour présidentiel. D’un côté, parce qu’elle n’appréciait pas la politique de profil bas que ses pairs maghrébins pratiquaient alors qu’elle croulait sous un embargo que lui imposaient les Nations Unies et les USA dans le cadre de l’affaire de Lockerbie. De l’autre, parce qu’elle préféra chercher du côté de l’Afrique Noire pour briser son embargo et à être à l’origine d’une Union des Etats Unis de l’Afrique qu’elle sera la première à avoir lancé.

L’usure du temps
De la décision de ces deux pays, que sont le Maroc et la Libye, de reporter ce sommet des Chefs d’Etats, seule en pâtira l’UMA. Car depuis 1995, rien ne tournait rond et l’Algérie continuera d’assurer et d’assumer la présidence de l’Union, n’en pouvant, mais …
De tristes fêtes-anniversaires seront célébrées chaque année à travers les médias des pays de l’Union pour rappeler que l’UMA est peut-être cliniquement morte, mais que le cœur y est toujours.
Ce n’est qu’à la faveur des changements intervenus au Maroc et en Algérie (arrivée presque simultanée au pouvoir en 1999 de Mohamed VI et de Bouteflika), en plus de la levée onusienne de l’embargo sur la Libye et l’évolution positive du «Dossier Lockerbie», que les choses connaîtront, petit à petit un regain d’activité au sein des instances dirigeantes de l’UMA, européens et américains exprimant ouvertement le souhait de voir la coopération entre les pays du Maghreb Arabe se développer davantage pour permettre l’ouverture de la zone méditerranéenne aux échanges commerciaux qui pourront ainsi passer de 4 à 15%.
L’occasion aussi pour la nouvelle équipe algérienne de mettre les bouchées doubles pour se débarrasser de cette encombrante présidence de l’UMA et, c’est en marge du sommet France-Afrique de Yaoundé, au Cameroun, qu’il sera décidé de réunir les ministres des Affaires Etrangères des cinq pays membres à un sommet en mars 2001 à Alger. Cette réunion permettra de redynamiser les comités de suivi, notamment ceux des ressources hydrauliques, de la sécurité alimentaire, de la justice, etc.

L’épineuse question du Sahara Occidental
Mais, ce ne sera que partie remise en attendant un sommet des Chefs d’Etats qui fut proposé la même année mais qui n’aura pas lieu, de nouvelles donnes politiques relatives à la question du Sahara Occidental le tuant dans l’œuf avec la proposition en juin 2001, du Secrétaire général de l’ONU, d’un «accord-cadre» qui met entre parenthèses le référendum d’autodétermination auquel il substitut une autonomie interne. Ce qui, bien évidemment, est catégoriquement rejetée par le Front Polisario et l’Algérie qui le considèrent comme «un projet marocain».
Les rapports entre l’Algérie et le Maroc prennent un sérieux coup de froid, pour ne pas dire un coup de tonnerre puisqu’ils pousseront la surenchère de leur bras de fer jusqu’au paroxysme: côté Marocain, pour la première fois, un roi tient un conseil des ministres à Laayoune, la capitale du Sahara Occidental. Côté Algérien, pour la première fois, un président de la République entame une visite officielle en République Arabe Sahraouie Démocratique jusque dans les camps des réfugiés Sahraouis de Tindouf.
Alors que d’aucuns pensaient que les positions des deux pays sont irréconciliables, que le sommet des Chefs d’Etats n’était qu’une utopie et donc que la relance de l’UMA s’étirait vers l’infiniment petit, un apaisement des tensions entre l’Algérie et le Maroc est perçu en 2002 grâce notamment aux injonctions des différents partenaires de l’UMA.
Le 7ème sommet des cinq Chefs d’Etats est en principe acquis et ses préparatifs bien entamés mais, à la dernière minute, Libyens et Marocains déclineront l’invitation. Les premiers, jugeant le moment inopportun, les seconds prétextant que des divergences existent entre d’autres pays de l’UMA qui ne sont pas l’Algérie et le Maroc. Une allusion qui est faite au malentendu survenu entre la Mauritanie et la Libye suite à l’arrestation de Chbih Ould Cheikh Malainine, le président du Front Populaire, accusé d’intelligence avec le régime Libyen.
En réalité, les rapports entre les pays membres de l’Union du Maghreb Arabe ont toujours été le véritable obstacle qui se dresse devant la concrétisation de cet ensemble.
D’abord, parce que les textes et règlements intérieurs de l’UMA constituent, en eux-mêmes, un blocage des mécanismes institutionnels et opérationnels de l’Union du fait que toutes les décisions prises en conseil des ministres des Affaires Etrangères ou par toute autre instance restent soumises à une réunion des Chefs d’Etats de l’Union pour les entériner. En termes clairs, on a beau discuter, concevoir et développer, mais tant que les cinq Chefs d’Etats ne se sont pas réunis et approuvés unanimement c’est comme si de rien n’était. Comme quoi, chaque pays peut à lui seul bloquer l’UMA.
Ensuite, parce que les relations de «je t’aime, moi non plus» qu’entretiennent Marocains et Algériens sur la question du Sahara Occidental y sont pour beaucoup dans cette impossible construction de la «Maison Maghrébine» qu’est l’UMA.

La silhouette bon enfant mauritanienne

En Mauritanie, on a toujours privilégié une position de réconciliateur ou neutre quand il s’agit de différends entre les uns et les autres. En affichant une silhouette bon enfant, et distribuant des gestes de bonne volonté, de bon voisinage et de compréhension des situations ici et là, les Mauritaniens semblent prêts, à tout moment, à faire le grand saut vers l’Union sacrée.
Pourtant, ce sont parfois des positions difficiles à gérer. Mais la sagesse mauritanienne et son approche analytique des raisons des blocages et des problèmes qu’affronte l’UMA, à chaque tournant, l’ont souvent placé au-dessus de la mêlée. A cela s’ajoute un autre fait : la Mauritanie ne cesse de privilégier l’intégration économique maghrébine.
Si bien d’ailleurs qu’elle n’a pas hésité à filer l’amour parfait, tour à tour, avec la Tunisie en lui octroyant le premier réseau cellulaire GSM, puis le Maroc en lui cédant la Mauritel et l’Algérie en lui ouvrant ses profondeurs halieutiques et son marché d’hydrocarbures.

Quoi qu’il en soit, l’émergence d’un groupement régional fort permettra, en effet, à cet ensemble de se positionner en tant que partenaire incontournable et sérieux, pouvant apporter sa pierre à l’édifice pour gérer les problématiques mondiales et contribuer efficacement au maintien de l’équilibre planétaire et à la préservation de la paix et la sécurité dans le monde. La lutte contre le terrorisme en étroite collaboration avec les Etats du Sahel, le trafic de drogue, l’émigration clandestine et le renforcement de la libre circulation des personnes et des biens, s’annoncent dans ce contexte comme des défis majeurs à relever par l’UMA.
Mohamed Ould Khattatt

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