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lundi 25 juillet 2011

MA CHRONIQUE PARISIENNE (5ème Partie)

Par Mohamed Ould Khattatt (mmkhattatt@hotmail.com)

Finis les cours dans l’après-midi, le retour à la Résidence, au Boulevard du Montparnasse nous plongeait, du moins nos trois ou quatre premiers jours, dans une autre réalité: celle du casse-tête chinois qu’était pour nous la bouffe, car nous n’étions toujours pas organisés en matière de repas.

Non seulement au boulevard Montparnasse manger moins cher coûte déjà cher (entre 7 et 13 euros) alors que nous n’avons qu’une maigre bourse d'à peine 600 euros pour subsister jusqu’au 30 juillet, mais manger «halal» n’est pas au premier coin de rue.

N’eût été les cousins de Kissima qui nous ont tantôt apporté de savoureux plats bien mauritaniens et conseillé de faire un tour à Château rouge pour acheter notre ration de viande, nos sous auraient fondu entre les restos pakistanais, les épiceries U, Dia et autres Monoprix sans compter les centres commerciaux de Lafayette et de TATI, à Barbès.

Depuis lors, Eddou se charge de la cuisine et lorsqu’il fait sa grosse tête de jeune garçon de 25 ans -et c’est normal à son âge- c’est Kissima qui s’en charge avec brio, propreté et bonne volonté. Le pauvre Khattatt que je suis apprendra de ce dernier à faire une omelette. Un soir de grande faim, j'épuiserai mon crédit téléphonique en appelant Madame à Nouakchott, pour me dire comment cuire une cuisse de poulet.

Mais après une semaine, cela semble aller comme sur des roulettes, mon ami, Mouka, de son vrai Boubacar Sy, m’apportant des ustensiles de thé complets (thé vert et menthe compris), avant de m’inviter chez lui à Torcy, en banlieue, à quelques 25 km de Paris. Là-bas, Aminata, sa formidable épouse venue du Sénégal, nous improvisera un dîner familial des plus délicieux que j’ai jamais mangé ici, avec salade, poulet rôti, entrée et sortie et boissons à gogo.

Je ne quitterai la maison, un peu tard c’est vrai sous la pluie, qu’après avoir dévoilé, à leur fiston de 5ans, sous les yeux amusés de sa maman, mon jeu d’enfant préféré des deux mains qui se croisent en saisissant l’une le nez et l’autre l’oreille. Mouka me raccompagne à la gare pour prendre le RER jusqu’à Chatelet les Halles où j’embarque dans le métro, ligne 4 pour Montparnasse. Il ne dormira pas sans m’avoir au téléphone pour s’assurer que je suis bien arrivé, malgré un «sms» affirmatif de ma part. C’est cela aussi les amis.

Il avait raison d’abord du souci pour moi, car le retour exigeait de moi, d’emprunter le RER depuis Noisiel jusqu’à Nation ou Chatelet où je prendrai le métro. Et comme je le faisais pour la première fois et à une heure tardive (après 23H30), le risque de m’égarer dans une gare ou une autre n’était pas zéro.

Il m’a fallu d’ailleurs m’accrocher à une jeune informaticienne noire rencontrée à la station de Noisiel en partance pour Saint Germain-en-Laye et qui descendait donc à la Défense, bien après moi. L’ayant entendu à l’arrêt du bus parler wolof avec une autre qui la raccompagnait, j’avais osé, une fois à la gare du RER, l’aborder en wolof pour gagner sa confiance, l’amenant ainsi à esquisser un sourire avant de l’aider, on ne peut plus galamment, à porter son bagage.

Une longue conversation s’engagea entre nous pour tuer le temps. J’en saurai qu’elle est informaticienne, travaille pour l’institut national de recherche en informatique et ne connait que peu de repos, s’efforçant de ne point quitter chez elle le dimanche. Je lui dis que nos métiers se rejoignent, le journalisme ne pouvant se passer de l’Internet et des nouvelles technologies. Elle prend un livre comme pour s’y réfugier puis le remet à sa place et m’interroge sur le CFPJ.

Je survole le sujet pour sortir ma solitude à Montparnasse que j’accuse de respirer la bourgeoisie et l’oisiveté. Elle m’informe que Saint Germain en-Laye est encore plus beau et plus bourgeois. Je réplique que je n’en sais rien mais que j’y viendrai si c’est une invitation. Son sourire dira le reste mais j’étais déjà arrivé à Chatelet, l’arrêt de nation m’ayant échappé. On se quitte sans décliner nos identités. Elle me dit au revoir, je réponds à Dieu. Elle rajoute «on peut toujours se rencontrer». Je concède avec un grand sourire: «c’est vrai, le monde est petit». Puis, je fonds dans la masse.
(A suivre …)

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