Par Mohamed Ould Khattatt
Clôture du dialogue politique: Un accord historique !
Un mois jour pour jour après le lancement du Dialogue national, les deux pôles politiques (la majorité présidentielle consolidée et les Partis de l’Opposition) ont signé, mercredi 19 Octobre aux alentours de 17H45mn, en présence du Président de la République, au Palais des Congrès de Nouakchott.
La cérémonie de clôture de ce dialogue politique national a été marquée également par la présence des présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale, du Premier Ministre, des membres du gouvernement, des parties ayant conduit ce dialogue, ainsi que des hautes personnalités de l’Etat, des représentants des partis politiques, des membres du corps diplomatique accrédités à Nouakchott, des représentants des organisations internationales, des parlementaires et un parterre impressionnant de personnalités politiques et médiatiques.
Une lecture en arabe puis en français du document final portant sur les points ayant l’objet de consensus sera faite, respectivement, par Mohamed Mahmoud Ould Jaâfar, Secrétaire exécutif chargé des affaires politiques de l’UPR, (parti au pouvoir) et Ladji Traoré, Secrétaire général de l’APP (opposition).
Plusieurs points à l’avantage de l’opposition démocratique
On en retiendra, outre la création d’une commission qui sera chargée du suivi de l’application des résultats de ce dialogue, que la Constitution sera amendée pour reconnaître dans son préambule la diversité culturelle, le droit à la différence et le rejet explicite de l’esclavage, les deux parties convenant ainsi de raffermir l’unité nationale en œuvrant pour le bien-être des couches défavorisées.
Ainsi, la constitution proclamera dans son préambule le droit à la différence et du respect de la richesse de la cultures arabe, soninké pular et wolof du peuple mauritanien confirmera l’arabe comme langue nationale du pays et illustrera, expressément, dans l’un de ses articles, l’esclavage, la torture et toute autre forme de traitement dégradant et humiliant. De même que la langue officielle est l’arabe et que les langues nationales n’en seront pas moins considérées et développées.
Le document final de ce dialogue précisera aussi que le statut de l’opposition démocratique sera maintenu mais que le chef de celle-ci doit être un élu (maire, député, sénateur). Un véritable coup de poignard dans le dos pour l’actuel chef de file de l’opposition, M. Ahmed Ould Daddah qui n’a jamais accepté de se porter candidat pour un poste autre que celui de président de la République !
Mais l’opposition se fera justice en exigeant et obtenant dans ces négociations avec le Pouvoir que le Premier Ministre, dont les pouvoirs sont renforcés et l’équipe responsable devant le Parlement, présentera le programme de son gouvernement un mois après sa désignation devant les Parlementaires lesquels, auront la latitude de l’approuver ou de le rejeter et de lui apposer une motion de retrait de confiance.
Aussi s’offrira-t-elle une CENI (commission électorale nationale indépendante) permanente, chargée de toutes les élections sur le territoire national et qui dispose de tous les pouvoirs, composée de 7 membres appelés les «sages» désignés, à part égale, par l’opposition et la majorité, sans oublier que le budget de cette CENI est voté par l’Assemblée nationale.
L’opposition démocratique réussira aussi à soumettre la nomination des directeurs généraux de la radio et de la télévision d’Etat à un vote simple par la HAPA dont le tiers des membres lui reviendra.
Autre point gagné par l’opposition, l’interdiction des candidatures indépendantes pour les législatives et le tacle des élus qui oseraient faire de la transhumance politique en leur faisant perdre automatiquement leur siège au profit du parti par lequel ils ont été élus. Cependant, la majorité a réussi a conservé pour son élu nommé ministre son fauteuil une fois qu’il n’est plus ministre, le document final de cet accord convenant que le parlementaire nommé ministre retrouve son siège dès qu’il quitte son ministère !
Les femmes à l’honneur
Par ailleurs, les deux parties du dialogue ont convenu d’adopter la proportionnelle et de maintenir le quota des femmes en plus d’une liste nationale exclusive pour elles, leur permettant d’obtenir 20 sièges au parlement. La liste régionale de Nouakchott est quant à elle de 18, tout comme la liste nationale.
L’opposition démocratique arrivera à imposer une modification dans la désignation des neuf (9) membres du Conseil Constitutionnel dont, désormais, 4 sont nommés par le président de la république, 3 par le président de l’Assemblée Nationale et 2 par le président du Sénat.
Au sujet des financements des partis politiques, la subvention sera accordée à égalité à 40% pour ceux qui obtiendront 1% et 60% au prorata des voix obtenues et versée en 2 tranches semestrielles. Les frais dépensés seront quant à eux remboursés à tout candidat à la présidentielle qui fera un score de 5% ou plus. Toute formation politique qui n’obtiendra pas, à deux participations aux élections municipales, plus de 1% aura son autorisation retirée.
A propos de l’armée, le texte indiquera que l’existence d’une armée républicaine constitue un gage pour une alternance pacifique au pouvoir et interdira la participation politique à celle-ci tout en maintenant le vote des militaires. Les changements anti constitutionnels (coup d’Etat) seront criminalisés, exceptés ceux antérieurs à la date de la signature de cet accord entre les deux parties au dialogue.
Sur la bonne gouvernance, l’indépendance de la justice, l’alternance pacifique au pouvoir, les deux pôles politiques s’accorderont aussi et se féliciteront du climat dans lequel s’est déroulé le dialogue dont «les résultats constituent une avancée de la démocratie dans notre pays», dira le communiqué qui a été signé, pour la majorité consolidée par Ahmed Ould Bahia et pour les partis de l’opposition démocratique par Boidiel Ould Houmeid. Ainsi, en matière de reforme de la justice, il sera procédé à une reforme judicaire et la révision du conseil supérieur de la magistrature.
Enfin, pour la mise en œuvre de l’accord politique, une campagne d’explication de celui-ci sera lancée à partir du 22 octobre courant.
Le président Aziz salue son Mouvement rectificatif du 6 août
Prenant la parole à la fin de la cérémonie de clôture de ce dialogue, le président de la république, Mohamed Ould Abdel Aziz déclarera que «les pouvoirs publics actuels ont la ferme volonté et la conviction profonde que les vertus du dialogue et ses principes ainsi que les autres valeurs démocratiques constituent la pierre angulaire de toute action efficiente de développement» et que «la preuve en est fournie par les invitations sincères au dialogue adressées à maintes occasions aux protagonistes de la scène politique pour s’asseoir autour d’une table de discussion et aborder les thèmes à fixer par consensus, sans aucun tabou».
Mais là où le président Aziz a réussi son coup, c’est quand il salue son mouvement rectificatif du 6 août : «La réforme de l'Etat et de la société exige la mobilisation des énergies nationales à travers la garantie d'un large consensus autour des problèmes majeurs de développement. C'est en vue de réaliser ce noble objectif que le changement du 03 Août 2005 a été opéré. Les pouvoirs publics d'alors avaient entrepris des efforts soutenus pour jeter les bases saines d'une Mauritanie nouvelle, fondée sur la démocratie, la justice et l'égalité, une Mauritanie capable de relever les défis de l’accumulation négative de décennies d’insouciance au sujet de l’unité nationale, de gabegie systématique et de dégradation de la qualité de la gouvernance publique en général. Mais, en dépit de la réalisation de certains acquis d’importance en matière de démocratisation et de renforcement des libertés individuelles et collectives, la situation n’a pas tardé à se détériorer ; ce qui a porté préjudice au bon fonctionnement des institutions et brandi la menace d’un retour du pays à l’échec et à ses corollaires préjudiciables à l’effort de développement et à la tranquillité des citoyens.
C’est alors qu’est intervenu le changement du 06 Août 2008 pour redresser les dysfonctionnements et éloigner le péril qui guettait sur le pays.»
Tout donc aura été dit mais l’essentiel restera que le Pouvoir et l’Opposition, du moins celle qui a voulu aller au dialogue, ont réussi à s’entendre même si cela a demandé 30 jours.
Car ce n’était pas gagné d’avance et les reports de cette cérémonie de clôture dénotent des «sérieuses secousses» entraînées par des divergences certaines. C’est maintenant la fin de ce dialogue Pouvoir/Opposition auquel bien des poids lourds de la scène politique nationale ont brillé par leur absence et le package des points d’accord aura surpris plus d’un car c’est à un véritable changement de la vie politique du pays et de la conception de celle-ci que nous assistons.
Reste à savoir si les grandes orientations qui en ont découlé permettront de convaincre les autres opposants à rattraper le train en marche.
Mohamed Ould Khattatt, Nouakchott Info n°2340
mmkhattatt@hotmail.com
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